Où l’anecdote de la rencontre autour du livre, à Beauchastel.
Une rencontre à…la rencontre.
La salle était bondée. Mes confrères et moi même devisions sur le métier d’écrivain, sur ses contraintes, ses déceptions mais aussi ses bonne surprises et ses joies. Nous échangions nos cartes de visite (si je puis dire, car je n’en ai toujours pas, grrrr) et nos expériences diverses. A noter que j’étais le seul auteur indépendant parmi tous ces vieux briscards sous contrat avec des maisons d’édition.
Alors que je m’évertuais à poursuivre la rédaction des prochaines (més)aventures de Patrick Schimmer, un couple de personnes âgées s’avancent vers la table que je partage avec deux autres auteurs. Bien entendu, je me laisse influencer par les clichés et autres lieux communs et subodore que si des personnes d’un certain âge s’approchent de ma table, ce n’est certainement pas pour se procurer de la littérature fantastique!
Je garde donc le nez sur ma feuille et continue à matérialiser scènes épiques et dialogues soutenus. C’est à ce moment que je vois le papy se pencher sur mon exemplaire de Les colonnes du temps, un petit papier à la main.
“John Renmann, c’est vous ?” me demande t-il J’acquiesce, étonné. “Voilà, en fait je cherche Les colonnes du temps, mais heu, la suite.” – La suite ? Ha, désolé, elle est en cours de rédaction (je lui exhibe la feuille A4 parcourue de mon écriture manuscrite). – Ha bon ? En fait, ce n’est pas pour moi mais pour ma petite fille. Elle a dévoré le premier livre mais n’a pas pu se déplacer aujourd’hui pour (il relit le petit papier). Pourtant elle a bien écrit”Les colonnes du temps, la suite”. Elle nous a dit que vous l’aviez sorti. – J’ai bien écrit un autre livre, mais il s’agit de Gecko, peut être a t’elle cru qu’il s’agissait de la suite de mon premier roman ? – Oui, ça doit être ça, vous avez raison. – Je suis sincèrement désolé, la suite devrait sortir probablement cet été. – Nous allons tout de même vous prendre un exemplaire de Gecko. Pour elle.
Je m’empare d’une exemplaire du livre et, au moment de la dédicace, hésitant entre le tutoiement et le vouvoiement, demande au patriarche l’âge de sa petite fille. “Douze ans.” – Douze ans ? Et elle a réussi à le lire jusqu’au bout ? – Bien sûr ! Vous savez, c’est une grande fan !
(J’ai à cet instant une pensée pour des critiques acerbes d’adultes n’ayant jamais réussi à terminer ce livre jugé “trop compliqué, “trop long” et j’en passe.) Encore plus embêté, je lui propose de lui envoyer personnellement un mail lorsque les aventures de Patrick et Sedna seront achevées. Je lui demande donc son adresse email en lui tendant un morceau de papier. Il s’en saisit, griffonne quelques lignes, puis me le rend, tout sourire. Je lis et constate, un brin amusé, que c’est son adresse postale qu’il m’a communiquée. Je m’apprête à lui signifier gentiment son erreur, lorsque mon intuition me titille. Comme je crois énormément aux signes, je me tais, puis m’étonne à lui dire: “Bien, je vous apporterai l’exemplaire de la suite en main propre, à cette adresse donc. Et votre petite fille aura sa dédicace, bien entendu.”
C’est à cet instant qu’il s’est produit quelque chose d’inexplicable. Ce que j’ai lu dans le regard du Papy, les étoiles dans les yeux de la Mamie, leurs sourires, la combinaison des trois, tout ça m’a fait passer, pour quelques secondes, comme le lauréat du plus prestigieux des prix littéraires. “C’est très gentil à vous monsieur, elle va vraiment être contente!” Et cette phrase d’agir comme le plus puissant des remèdes anti-blues et anti-page blanche ! C’est le genre de rencontre qui me rappelle pourquoi j’écris.
Je dois donc vous laisser, chers lecteurs, j’ai plus d’une promesse à tenir. Et je m’arrange toujours pour les tenir, question de principe.
Comments