J’ai beau le nier, mais malgré cette plaie jamais refermée, elle occupe mes pensées
Je l’ai sentie frustrée et humiliée alors que je déclarais ma flamme à Montreuil, ma cité
Elle m’a bercé, câliné, élevé, je suis son trois cent millième fils adoré
Est-ce à dire que je ne suis qu’un ingrat ? Un rat parmi les rats ?
Est-ce une honte d’avoir détourné mon regard d’elle, suis-je un scélérat ?
J’étais haut comme trois pommes, flottant dans une salopette bleue
Ébloui par les rayons du soleil, enivré par l’odeur des tamariniers
J’observais, émerveillé, la beauté innée des flamboyants majestueux
Et me tenais toujours bien éloigné de l’inquiétant mancenillier
Le carême coïncidait avec vaval, ses fouets, tambours et sifflets
Impossible de ne pas remuer au rythme du gwo ka endiablé
Les défilés colorés, prolongement de Noël et sa veillée
Comment ai-je pu tout cela, oublier ?
Les virées en mer, l’imposant phare de l’îlet du gosier
La plage de son petit cousin très éloigné, l’îlet caret
La Bretagne des Antilles, la magnifique pointe des châteaux
Les ti-punchs citron vert – rhum Montebello
Et aussi l’alizé que nous bénissions lors des fortes chaleurs
Allongés sur les carreaux tiédis en quête d’une vaine fraîcheur
Le noyau a bien poussé, je m’accroche aux branches de mon manguier
Observe les sillons tracés dans le gazon par les fourmis-manioc, amusé
Et Le Raizet, Baimbridge, Fouillole…
Et tous mes amis dont j’ai perdu la trace pour la plupart…
Montreuil est à jamais dans mon cœur
Mais je ne saurais nier que j’en pince sacrément aussi pour une autre
Vous l’aurez deviné, elle est le papillon posé sur la mer des Caraïbes
Elle se nomme Karukera
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